En disséquant des météorites primitives, Laurette Piani, cosmochimiste au CRPG du CNRS et de l’Université de Lorraine, est parvenue à mettre en évidence la présence d’hydrogène là où nul n’en attendait tant. Cet élément chimique aurait participé à près de 50 % à la formation de l’eau sur Terre. Une découverte qui bouscule les théories admises jusque-là.
Ses observations font grand bruit depuis leur publication dans la revue Science, le 28 août. À l’origine d’une étude sur l’apparition de l’eau sur Terre (*), Laurette Piani, cosmochimiste au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) de Nancy dépendant du CNRS et de l’Université de Lorraine, a entrepris de trouver des vestiges d’hydrogène dans des météorites spécifiques considérées communément comme de la « matière sèche ». Elle s’est procuré de rares échantillons de « chondrites à enstatite », des roches primitives tombées du ciel plus ou moins récemment et conservées dans de bonnes conditions, à l’abri des contaminations terrestres. « Ces chondrites à enstatite sont très intéressantes parce qu’elles sont très proches des roches qui ont formé la Terre », explique Laurette Piani dont les travaux visaient à « savoir comment la Terre a acquis l’hydrogène qui lui a permis d’avoir de l’eau ».
Une présence inattendue « L’oxygène, on en trouve un peu partout dans les roches, poursuit la chercheuse. Mais l’hydrogène, c’est un peu plus compliqué, parce que c’est un élément volatil. » Il est difficile à stocker dans les roches. « Comme la Terre s’est formée à des températures trop élevées pour que l’eau condense sous forme de glace, reprend la scientifique, on pense que les matériaux précurseurs de la Terre étaient plutôt secs. Donc, qu’ils ne contenaient pas d’hydrogène a priori pour expliquer la présence d’eau à la surface et à l’intérieur de la Terre. » C’est le cas des « chondrites à enstatite », présumées dépourvues d’hydrogène.
L’équipe nancéienne de Laurette Piani s’est attachée à démontrer le contraire. « On a pu regrouper une douzaine de ces météorites, indique-t-elle. On a analysé leur concentration d’eau et le rapport isotopique de l’hydrogène. Et on a réussi à montrer qu’elles ont assez d’eau pour expliquer la majorité de l’eau terrestre et qu’elles ont un rapport isotopique de l’hydrogène qui correspond bien à l’hydrogène présent dans la Terre. C’est quelque chose que personne n’a jamais vraiment cherché à vérifier, considérant que ces météorites étaient sèches. »
À contre-courant Jusqu’alors, l’hypothèse couramment admise par la communauté scientifique était que « la Terre a reçu une arrivée d’eau par des astéroïdes contenant des minéraux hydratés dans les dernières étapes de sa formation », expose Laurette Piani. Sa découverte ébranle cet axiome. Les comètes « chondrites à enstatite » auraient constitué, en quelque sorte, le noyau dur de la planète il y a près de 4,5 milliards d’années. Leur agglomération étant antérieure à l’agrégation des astéroïdes, « cela veut dire que la Terre s’est formée dès le départ avec un matériel riche en hydrogène et a donc pu former de l’eau très rapidement », précise Laurette Piani.
L’hydrogène existe en petite quantité dans la structure de ces minéraux. « L’eau ne représentant que 0,02 % de la masse terrestre, ces petites quantités sont donc très significatives. Elles auraient participé à former la moitié de l’eau présente à la surface de la Terre », stipule Laurette Piani. Elle ajoute : « Les résultats obtenus montrent que les chondrites à enstatite contiennent suffisamment d’eau pour avoir apporté au minimum l’équivalent de trois fois la quantité totale d‘hydrogène présent dans l’eau des océans terrestres. » Prochaine étape : comprendre pourquoi ces chondrites à enstatite contiennent de l’hydrogène.
Source : https://www.estrepublicain.fr/science-et-technologie/2020/09/05/une-nanceienne-bouscule-les-theories-sur-l-origine-de-l-eau-sur-terre
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