La mission RemoveDebris qui doit tester en orbite plusieurs scénarios et technologies capables de désorbiter des débris spatiaux a été lancée. Ce satellite avait été amené à bord de l'ISS par une capsule Dragon de SpaceX. Au nombre de trois, ces techniques de capture et de désorbitation de débris spatiaux pourraient à l'avenir être utilisées pour aller faire le ménage à proximité des satellites ou d'infrastructures spatiales.
Le satellite RemoveDebris a été lancé ce 20 juin depuis la Station spatiale internationale, à l'aide du système Kaber de NanoRacks. Ce satellite, réalisé par Surrey Space Centre (SSC) à l'université de Surrey (Royaume-Uni), doit tester en orbite trois technologies susceptibles de désorbiter des débris spatiaux.
Plutôt que de nettoyer l'espace de tous les débris qui l'encombrent, une tâche impossible à réaliser, l'idée qui prévaut aujourd'hui est de retirer seulement les débris les plus dangereux, c'est-à-dire ceux susceptibles d'entrer en collision avec un satellite, une station spatiale ou tout autres infrastructures spatiales. Pour cela, plusieurs solutions techniques sont à l'étude. Avant d'en choisir certaines plutôt que d'autres, des démonstrations en orbite sont évidemment nécessaires.
Des techniques issues de la pêche !
C'est tout l'intérêt de RemoveDebris qui va tester en orbite trois technologies, développées par Airbus, capables de capturer et désorbiter des débris spatiaux :
un filet ;
un harpon ;
un système de navigation optique permettant de développer des techniques de rendez-vous en orbite avec les débris spatiaux.
Le satellite comprend également une voile de traînée pour accélérer sa désorbitation à la fin de sa mission. Ces démonstrations seront réalisées selon un calendrier qui prévoit le déploiement du filet en octobre prochain, suivi des essais du système de navigation fin décembre, puis du harpon en février 2019. Ces expériences seront menées en dessous de l'orbite de la station spatiale pour éviter tout risque d'accident.
Cette vidéo résume la mission RemoveDEBRIS avec la capture à l’aide d’un filet d’un CubeSat, le test d’un harpon et la démonstration inédite en orbite d’un 3D flash imaging Lidar. © Surrey Space Centre, University of Surrey
Des scénarios de science-fiction bien réels
La démonstration du filet développé par Airbus à Brême consistera en la libération par le satellite d'un CubeSat. Lorsque celui-ci se sera éloigné à cinq mètres, le filet sera lancé pour le capturer à une distance d'environ sept mètres.
Réalisé par Airbus à Toulouse, le système VBN testera des caméras 2D et un lidar 3D développés par le Centre suisse d'électronique et de microtechnique. L'objectif est de suivre un deuxième nano satellite libéré par le satellite. Le VBN observera sa rotation et sa trajectoire à mesure qu'il s'éloigne du satellite. Dans le même temps, le CubeSat transmettra au satellite sa position réelle, ce qui permettra de mesurer la performance du système de navigation. Ce CubeSat continuera sa dérive et se désorbitera naturellement.
Quant au harpon, conçu par le site Airbus de Stevenage, il sera lancé à une vitesse de 20 m/s vers un panneau composite qu'il pénètrera pour démontrer sa capacité à capturer les débris. Ce panneau composite sera déployé depuis le satellite grâce à une perche de 1,5 mètre.
RemoveDebris, une démonstration de technologies spatiales pour désorbiter des débris
Article de Rémy Decourt publié le 25/10/2016
Pragmatique, l'Union européenne finance une mission de démonstration de technologies de désorbitation. Pour aller faire le ménage dans le ciel, surtout à proximité des satellites ou d'infrastructures spatiales, l'Europe veut un satellite capable d'aller désorbiter un débris présentant une menace. Pour cela, elle finance la mission RemoveDebris qui doit tester en orbite plusieurs scénarios et technologies capables de désorbiter des débris spatiaux. Alexandre Pollini, concepteur d'un de ces outils nous explique l'intérêt de cette mission et ce que l'on attend d'elle.
Les débris spatiaux constituent aujourd'hui un sujet de préoccupation majeure au sein des agences spatiales et de l'Union européenne. Afin de protéger les infrastructures spatiales, tant le rôle des services spatiaux dans la vie quotidienne est important, il est nécessaire d'agir pour limiter l'impact des débris spatiaux. Tandis que les opérateurs commencent à travailler sur des solutions pour contrôler la quantité de ces débris spatiaux, les agences spatiales réfléchissent à des systèmes pour se débarrasser de ceux existants. Et il existe de nombreux projets, parfois originaux. Une voie possible d'action serait d'organiser des missions de retrait de débris spatiaux (ADR, Active Debris Removal).
Avant de préparer ces futures missions, faut-il encore savoir quelles technologies utiliser et ensuite les maitriser. C'est dans ce contexte que l'Union européenne, dans le cadre du septième Programme-cadre européen de recherche et de développement technologique (FP7), principal instrument financier européen de soutien à la recherche, subventionne la mission RemoveDebris.
Il s'agit d'une mission inédite qui vise à tester en orbite plusieurs scénarios et technologies capables de désorbiter des débris spatiaux. Elle se compose d'un satellite d'une centaine de kilogrammes (construit par Surrey Satellite Technology) et de deux CubeSats de trois unités. L'idée est d'éjecter depuis le satellite ces deux CubeSats puis d'en capturer et désorbiter un à l'aide d'un filet et de tester l'argon sur une cible. Quant au deuxième CubeSats, il sera utilisé pour une expérience de vision-based navigation (VBN) qui doit démontrer le bon fonctionnement d'un nouveau type d'instrument, le 3D flashimaging LIDAR. À la fin de la mission, le satellite RemoveDebris se désorbitera par lui-même en utilisant une voile solaire.
Chaque CubeSat disposera de moyens de communication avec le satellite et de localisation pour connaître leur position. Ils seront actifs mais n'émettront aucun signal utile à leur capture. Au satellite chasseur de déterminer leur position dans l'espace à l'aide de caméras, de GPS et du Lidar. Apporté à bord de la Station spatiale internationale par un container Nanorack placé dans une capsule Dragon, ce satellite sera lancé depuis le complexe orbital au printemps 2017. La mission est prévue pour durer quelques mois et se terminera à la fin de l'année de 2017.
Être capable d'identifier les débris auxquels on a affaire
Ce sera la première fois en Europe que sera testé en conditions réelles un flash imagine Lidar » nous explique Alexandre Pollini, chef de projet au Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) et concepteur du Lidar. Il s'agit d'une technologie récente qui « à l'origine a été développée pour fournir des images du sol en 3D et en temps réel lors d'atterrissages de précision ». Il était prévu qu'elle soit utilisée pour la « mission de retour d'échantillons d'un astéroïde géocroiseur primitif MarcoPolo-R pour la future mission M3 du programme Cosmique Vision de l'Esa mais cette mission n'a pas été sélectionnée par l'Esa, lui préférant Plato, une mission pour découvrir des exoplanètes similaires à la Terre ».Pour les besoins de la mission RemoveDebris, « nous avons donc adapté notre instrument à cette expérience inédite en orbite. Il devra démontrer qu'il est capable de faire des images d'une cible permettant d'obtenir des informations utiles à sa capture et sa désorbitation future ».
Aux États-Unis, cette technologie est développée depuis plus longtemps et profite de budgets du domaine militaire. Cela dit, si dans ce domaine « l'Europe accuse un certain retard par rapport aux États-Unis », lorsque cet instrument sera opérationnel, il sera « meilleur dans le sens qu'il utilisera pour ses détecteurs une technologie très récente de type SPAD (single-photon avalanche diode), plus sensible que les capteurs américains qui sont de conception plus ancienne ». À ces capteurs bien meilleurs s'ajoute une « approche avec plusieurs modes d'illumination de la cible à la différence des Américains qui en utilise un seul » :
le mode altimètre « avec un faisceau laser très étroit qui ne permet pas d'acquérir d'images mais de seulement de déterminer la distance de la cible dans les conditions de propagation de la lumière les moins favorables » ;
le mode attitude avec plusieurs faisceaux laser étroits « capables de mesurer une distance en différents points de la cible ce qui permet de faire un positionnement relatif » ;
le mode standard avec un « faisceau relativement large qui éclaire la cible dans son ensemble, ce qui permet de l'imager entièrement ».
Cet instrument couvre un champ de vue de l'ordre de 16 degrés avec une résolution de 160 x 120 pixels pour le lidar, et de 2.048 x 1.536 pixels pour la caméra couleur. Avec la caméra, il acquiert des images de la cible mais « doit composer avec des conditions d'éclairage qui peuvent ne pas être optimales en lien par exemple avec l'axe de rotation principal du débris par rapport à la position du Soleil ». Avec son éclairage propre, le lidar « éclaire la cible et se prémunit donc de ces changements d'éclairage ». Il est capable de fournir des « images en 3D et en temps réel de la cible que l'on veut capturer ». Ces images en trois dimensions fournissent bien plus d'informations que des images en une ou deux dimensions. Par exemple, à partir d'une de ces vues en 3D, il est « possible d'extraire des informations sur la forme de la cible qui n'est pas forcément connue a priori en fonction des dommages subis par le débris, sa vitesse de rotation et sa distance ». Ces données sont essentielles pour réussir la phase de capture.
À l'avenir, cette technologie pourrait être utilisée pour des missions d’atterrissage sur Mars, la Lune ou sur un astéroïde, de façon à poser tout type d'engin de surface en sécurité et beaucoup plus précisément qu'aujourd'hui. Actuellement, « l'équipe travaille sur des Lidars dont le cahier des charges est dérivé du scénario de la mission Mars Precision Landing ou Mars Sample Return » qui pourraient voir le jour dans la seconde partie de la décennie 2020.
Crédit : Futura Sciences
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