L'énergie apportée pour chauffer les quatre principales lunes de Jupiter, en particulier Io la volcanique et Europe et son océan global, ne proviendrait pas principalement des forces de marée de Jupiter mais de ces lunes elles-mêmes, les unes sur les autres.
Grosso modo, l'essentiel des outils mathématiques et physiques, utilisés encore aujourd'hui en mécanique céleste pour comprendre les mouvements et les formes des astres sous l'effet de la gravitation, ont été mis en place entre 1750 et 1850 avec les travaux de Lagrange, Laplace, Gauss et Hamilton, sans oublier ceux de d'Alembert, Euler, Legendre, Poisson et Jacobi. On pourra consulter à ce sujet Le traité de mécanique analytique de Lagrange et celui de mécanique céleste de Laplace pour s'en convaincre, ou pour ceux qui sont plus pressés et qui ne veulent pas rentrer dans tous les détails des théories des perturbations, des fonctions elliptiques ou du potentiel, l'ouvrage du regretté André Brahic, Planètes et Satellites : Cinq leçons d'astronomie.
Des forces de marée qui malaxent des lunes Ces outils ont contribué au succès des navigations des mythiques missions Voyager à la découverte des mondes de Jupiter et de Saturne, sans oublier ceux de Neptune. Complétés par ceux de Fourier décrivant la théorie de la chaleur, ils avaient conduit Stan Peale, Patrick Cassen et R. T. Reynolds à publier en 1979 dans Science un article où ils affirmaient que, en raison des forces de marée résultant de l'influence de Jupiter, Ganymède et Europe, beaucoup de chaleur devait être produite à l'intérieur de Io.
Cette chaleur provenant de la dissipation de l'énergie mise en jeu dans les déformations de la lune de Jupiter, elle devait engendrer un volcanisme important. De fait, quelques jours après cette publication, en mars 1979, Linda Morabito, alors ingénieur de navigation dans l'équipe de la mission Voyager 1, remarqua un curieux détail sur des photographies prises par la sonde. Tenace, elle décida de s'y intéresser de plus près de sorte que, grâce à son travail, il est plus tard apparu comme la manifestation d'un panache volcanique soufré de 300 km de hauteur. La mission Voyager a aussi révélé que Europe possédait une banquise globale et mieux, un océan sous cette banquise. La mission Galileo, qui prendra la suite pour étudier plus spécifiquement les lunes de Jupiter et la géante gazeuse en se mettant en orbite autour d'elle de 1995 à 2003, a confirmé ces découvertes et a aidé à conclure qu'il devait également exister des océans d'eau liquide sous la surface de Ganymède et Callisto, les deux autres lunes principales de Jupiter. On pensait jusqu'à présent que l'origine principale de la chaleur dégagée dans les entrailles de ces astres provenait des forces de marée de Jupiter, malaxant et déformant les corps solides mais élastiques qu'ils constituent, les chauffant donc comme un corps gazeux soumis à des pressions variables similaires.
Des résonances mécaniques dans des océans Mais voilà, Hamish Hay, post-doctorant au Jet Propulsion Laboratory de Pasadena (Californie) et Antony Trinh, également post-doctorant au Lunar and Planetary Laboratory de l'Université de l'Arizona, viennent de publier, avec leur collègue planétologue Isamu Matsuyama, un article dans Geophysical Research Letters où ils remettent en cause cette théorie.
Pour comprendre pourquoi ils sont arrivés à cette conclusion, il faut se souvenir de ce qu'est un phénomène de résonance en mécanique. Tout enfant en connaît un exemple quand il fait de la balançoire avec un autre enfant et qu'il lui demande de le pousser. Cela ne peut se faire qu'à une fréquence précise, la fréquence de résonance comme l'appellent les physiciens. Si l'on pousse n'importe comment, non seulement le mouvement de balancement n'est pas amplifié mais il peut être stoppé.
Les systèmes physiques peuvent avoir aussi des fréquences de résonance propres qui vont faire que leurs mouvements, sous forme d'oscillations notamment, vont être amplifiés si on les « excite » avec des forces variant selon ces fréquences.
Les trois chercheurs ont découvert qu'il existait des fréquences pour des ondes mécaniques dissipant de la chaleur dans les océans possédés par les lunes de Jupiter, fussent-ils de magma. La quantité de chaleur dissipée sera plus importante à ces fréquences dont les valeurs dépendent notamment de l'épaisseur de ces océans.
Tous calculs faits, en tenant compte de ces épaisseurs estimées pour chaque lune et qui varient entre quelques dizaines et quelques centaines de kilomètres, il est apparu que les forces de marée de Jupiter, fluctuant périodiquement en fonction des mouvements des lunes, n'étaient pas assez proches des fréquences de production de la chaleur nouvellement estimées pour rendre compte de l'existence des océans. Toutefois, ces fréquences correspondent bien à celles produites par les mouvements relatifs et les distances entres les lunes.
Source : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/jupiter-marees-jupiter-ne-seraient-pas-origine-volcanisme-io-ocean-europe-83028/
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