Coincée entre des bandes équatoriales de Jupiter, la Grande Tache rouge est une de ses caractéristiques les plus célèbres. Mais l'anticyclone a beaucoup changé en 150 ans. Sa taille surtout. Va-t-il continuer de rétrécir jusqu'à se dissoudre dans l'atmosphère de la géante gazeuse ? Ou va-t-il reprendre de l'embonpoint ?
Depuis quand existe la Grande Tache rouge sur Jupiter ? Les astronomes aimeraient beaucoup le savoir. Depuis des siècles peut-être, depuis des millénaires... ou plus encore ? Tout ce que les scientifiques peuvent dire pour l'instant est que cette même tache rouge est observée depuis au moins 1831. Est-ce la même qu'a dessinée Jean-Dominique Cassini en 1665 ? C'est fort probable mais il n'y a pas de certitude absolue. En tout cas, elle a beaucoup changé depuis la fin du XIXe siècle, passant de très grande (en 1878, trois Terrepouvaient y tenir allègrement à l'intérieur) à grande, aujourd'hui, notre planète rentrerait tout juste à l'intérieur. C'est à la fin du XIXe siècle que cet anticyclone, manifestation emblématique sur le front de la planète géante, a reçu son nom. En référence à sa couleur qui, semble-t-il, fut alors plus prononcée dans le rouge... et à sa taille.
Souhaitant reconstruire son évolution sur près de 150 ans, une équipe a compilé les données des astronomes du passé, ainsi que celles, plus précises, des sondes Voyager 1 et 2 et du télescope spatial Hubble, lequel, rappelons-le, jette un œil sur elle chaque année. « Les tempêtes sont dynamiques et c'est ce que nous voyons avec la Grande Tache rouge, a indiqué Amy Simon, l'auteure principale d'une enquête sur le comportement de ce phénomène publiée dans The Astronomical Journal. Elle change constamment de taille et de forme et ses vents se décalent aussi ».
La Grande Tache rouge est-elle en train de disparaître ?
Première constatation : la Grande Tache rouge dérive actuellement plus vite vers l'ouest qu'auparavant, toujours dans le sens contraire de la rotation de Jupiter. Par ailleurs, l'anticyclone se positionne à la même latitude depuis au moins un siècle et demi, coincé entre deux courants-jets.
Les chercheurs ont relevé aussi que la tempête a commencé à diminuer vers 1880. Mais son rétrécissement n'est pas constant car elle a en effet repris un peu de galon au cours des années 1920. Néanmoins, elle ne s'est pas de nouveau élargie depuis et la tendance à la contraction se poursuit. Combien de temps encore ? Seul le puissant Jupiter le sait.
La Grande Tache rouge demeure un phénomène atmosphérique mystérieux. Les chercheurs ont été surpris de constater que bien que l'ovale diminue, les vents soufflant à l’intérieur ne sont pas intensifiés comme ils auraient pu s'y attendre, à l'image d'une patineuse qui tourne plus vite sur elle-même lorsqu'elle rapproche ses bras le long du corps. Il semble en outre que l'anticyclone s'étire à la verticale : « c'est presque comme si l'argile était façonnée sur un tour de potier », figure la Nasa. Et plus vous enfoncez les mains dans la motte de terre en rotation plus le vase va s'allonger vers le haut. Il se pourrait donc que ce soit le cas avec la tache rouge qui se contracte. Mais dans des proportions encore imperceptibles.
Enfin, l'équipe s'est aperçue aussi que la palette de couleurs de l'anticyclone a changé, virant de plus en plus à l'orange depuis 2014. Peut-être est-ce dû à son étirement qui envoie certains de ses ingrédients chimiques dans les plus hautes couches de l'atmosphère..., propose l'équipe. Et là, ils seraient altérés par le rayonnement ultraviolet du Soleil.
« Si les tendances que nous observons dans la Grande Tache rouge continuent, alors les cinq à dix prochaines années pourraient être très intéressantes du point de vue dynamique, a commenté Rick Cosentino, qui a cosigné l'étude. Nous pourrions voir des changements rapides dans l'apparence physique et le comportement de la tempête et peut-être qu'elle finira par ne pas être aussi grande après tout ». Alors, va-t-elle reprendre de l'ampleur ? Ou bien va-t-elle disparaître sous nos yeux ? La sonde Juno nous éclairera peut-être sur son devenir et sa véritable nature.
CE QU'IL FAUT RETENIR
La Grande Tache rouge de Jupiter a beaucoup changé depuis les premières observations suivies au XIXesiècle.
Ces dernières années, l’anticyclone se déplace plus vite vers l’ouest. La tempête a beaucoup rétréci et sa teinte est plus orangée.
POUR EN SAVOIR PLUS
Jupiter : grandeur et décadence de la Grande Tache rouge
Article de Xavier Demeersman, publié le 10 février 2014
Connue depuis près de 350 ans, la Grande Tache rouge qui macule la surface de Jupiter apparaît régulièrement soumise à des variations importantes de taille et de couleur. Énorme au cours des années 1880 et 1960, elle est actuellement si rétrécie qu'il est devenu très difficile de l'observer dans nos instruments.
De passage dans la constellation des Gémeaux au cours de cet hiver 2013-2014, il est impossible pour qui promène son regard dans le ciel étoilé de manquer l'éclat doré de Jupiter, culminant dès le début de soirée, en direction du sud. Distante actuellement de quelque 653,7 millions de kilomètres (4,3 unités astronomiques), la géante gazeuse s'affiche avec une magnitude de -2,5. Un mois après son opposition, datant du 5 janvier, sa position reste très favorable à son observation.
Outre Io, Europe, Ganymède et Callisto, ses quatre plus grands satellites naturels découverts voilà quatre siècles par Galilée, les bandes nuageuses et bien sûr la Grande Tache rouge demeurent les principales attractions. Observée pour la première fois en 1665 par Jean-Dominique Cassini, elle n'a de cesse d'intriguer les astronomes amateurs et professionnels. Connue depuis cette époque, nul ne sait quand elle est apparue pour la première fois ni si elle disparaîtra à plus ou moins long terme.
La remarquable pérennité de cet anticyclone d'une taille (certes variable) comprise entre une et trois fois celle de la Terre interroge. Épiées quotidiennement depuis des décennies, les archives consultées par les astronomes témoignent de plusieurs changements importants. Coloré de rouge, émaillé d'ocres et de tons beiges, le phénomène météorologique chaperonne la haute atmosphère de Jupiter à environ 22° S. Il lui faut moins de dix heures (rotation de Jupiter) pour se représenter face à nous.
D'après les témoignages, la Grande Tache rouge apparaissait trois fois plus grande que notre planète au cours des années 1960 ! Gigantesque, elle se laissait aisément observer pour en suivre l'évolution. Depuis, les choses ont changé, comme l'attestent les données compilées ces dix dernières années dans le cadre du programme WinJupos mené par des astrophotographes émérites des quatre coins du monde.
Contractions régulières de la Grande Tache rouge de Jupiter
Vaste de 18.420 kilomètres en février 2003, elle ne s'étend plus actuellement (décembre 2013) que sur quelque 15.302 km. Un rétrécissement significatif (elle mesure toujours 1,2 fois la taille de la Terre) qui s'accompagne, par conséquent, d'une rotation de plus en plus rapide en vertu de la conservation du moment angulaire : quatre jours au lieu de six pour les plus anciennes mesures. Chronométrés à environ 400 km/h en 2006, les vents soufflent à présent à plus de 500 km/h. On comprend qu'il est devenu difficile ces temps-ci de l'observer avec un instrument amateur, quand bien même on bénéficie d'excellentes conditions.
Cela augure-t-il pour autant une disparition totale de la célèbre tache rouge, ou s'agit-il plutôt d'un « petit creux » passager, comme cela a déjà pu se produire par le passé ? Car il faut se souvenir qu'entre 1713 et 1830, il n'y a trace d'aucune note ou dessin faisant état de ce phénomène à la surface de Jupiter. Plus rien n'était visible, comme effacé... Elle n'est réapparue qu'en 1831, toute pâlotte puis grandie démesurément au cours des 50 ans qui ont suivi. Vers 1880, elle s'étalait en forme de dirigeable sur environ 40.000 km, comme le reflètent les clichés de cette période. Par ailleurs, sa forte coloration rouge lui valut alors son nom de Grande Tache rouge, lequel lui colle toujours à la peau.
La Grande Tache rouge dans l’avenir
En ce début de XXIe siècle, on peut douter de sa qualification tant ses observateurs la voient maigrir et pâlir à vue d'œil, se rapprochant de plus en plus de ses petits homologues qui s'affichent dans la même région. Formée de la fusion de trois cellules anticycloniques entre 1998 et 2000, celle qui est surnommée « Petite Tache rouge » ou « Tache rouge junior » (Oval BA) évolue, quant à elle, à l'opposé de son aînée, seulement deux fois plus grande.
Quoi qu'il en soit, l'épaisse atmosphère de la plus grosse planète du Système solaire n'a de cesse de se transformer, de brasser les divers ingrédients chimiques (phosphore, ammoniac, etc.) qu'elle renferme... Les chercheurs tentent de mieux comprendre les agitations qui la façonnent en développant des modèles numériques de sa météorologie.
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Crédit : Futura Sciences
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