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L'équation du trou de ver traversable d'Interstellar aurait été trouvée !

Un des plus grands experts de la théorie des supercordes appliquée aux trous noirs, Juan Maldacena, a trouvé avec un collègue une solution décrivant un trou de ver traversable sans danger pour un humain. Remarquablement, elle émerge d'une variante de la théorie considérée par le prix Nobel Kip Thorne pour rendre crédible scientifiquement le film Interstellar.


En novembre 2015, fut fêté le centenaire de la formulation finale par Einstein de sa théorie de la relativité générale. À peine un mois plus tard, on pouvait célébrer l'astronome et physicien Karl Schwarzschild qui a publié en janvier 1916 sa fameuse solution décrivant le champ de gravitation d'une étoile sphérique et homogène. Au cours des deux années qui allaient suivre, Einstein, de son côté, découvrait dans sa théorie la possibilité de l'existence d'ondes gravitationnelles et celle de la construction d'une véritable cosmologie faisant intervenir une mystérieuse constante. Ligo et Virgo ont confirmé l'existence des ondes gravitationnelles ; la cosmologie relativiste du Big Bang a connu un succès éclatant, le tout dernier venant des mesures du rayonnement fossile par le satellite Planck et même, la constante cosmologique d'Einstein semble bel et bien réelle en raison de la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Univers observable, peut-être causée par une mystérieuse énergie noire. La solution de Schwarzschild s'est montrée encore plus étonnante quand bien même son découvreur n'eut malheureusement pas le temps de le comprendre, décédant très peu de temps après sur le front russe au cours de la première guerre mondiale. Karl Schwarzschild n'a en effet rien su des travaux de pionnier en 1939 de Robert Oppenheimer.


Les ponts d'Einstein-Rosen Grand lecteur de la Bhagavad Gita, le père de la bombe A avait en effet posé à cette occasion et, via deux articles écrits en collaboration avec ses étudiants de l'époque -- On Massive Neutron Cores, avec Georges Volkoff, et On Continued Gravitational Contraction, avec Hartland Snyder --, le socle sur lequel les théories des étoiles à neutrons, et surtout celle de l'effondrement gravitationnel conduisant à la formation d'un trou noir, seront construites à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Nous avons toutes les raisons de penser aujourd'hui que les trous noirs existent bien comme l'ont à nouveau fortement suggéré les premiers indices de l'existence des modes quasi-normaux des trous noirs et les observations de la collaboration Event Horizon Telescope. On a donc de nouveaux motifs pour prendre au sérieux l'héritage d'Einstein et Schwarzschild, à savoir plus précisément l'existence de trous de ver, selon l'expression de John Wheeler.


Là encore, Schwarzschild ne pouvait se douter de ce qu'Einstein et son collaborateur de l'époque, Nathan Rosen, allaient découvrir en 1935 en étudiant sa solution sous un jour nouveau. Au départ, il s'agissait pour Einstein de trouver une solution de ses équations du champ de gravitation couplées aux équations du champ électromagnétique de Maxwell, mais dans la version espace-temps courbe qu'il avait découvert au cours des années 1910. Cette solution promettait d'ouvrir la voie à un traitement des particules de matière purement en terme d'équations de champ et donc de les déduire des équations de la relativité générale, une fois convenablement unifiée avec le champ électromagnétique. L'existence de particules de matière chargées n'était donc potentiellement plus un axiome à ajouter aux théories physiques mais une conséquence de ces théories. En plus d'ouvrir la voie à une unification des forces, on pavait celle menant peut-être vers une théorie non dualiste de la matière et des champs de forces, voire une nouvelle théorie quantique.


Einstein et Rosen découvrirent donc à cette occasion qu'il y avait une topologie cachée derrière la solution de Schwarzschild que l'on pouvait interpréter, par analogie avec un modèle de l'espace courbe en deux dimensions comme une sorte de tube reliant deux feuillets d'espace-temps, donc entre deux univers ou, plus certainement dans l'esprit d'Einstein, entre deux régions de l'espace. La théorie des ponts d’Einstein-Rosen était née. Comme il pouvait servir de raccourci entre deux de ces régions et permettre de contourner l'interdit d'Einstein concernant la vitesse de la lumière, la science fiction s'est rapidement emparée du concept pour le voyage interstellaire comme l'explique Jean-Pierre Luminet dans la vidéo ci-dessus. Malheureusement, on s'est aperçu par la suite que les ponts d'Einstein-Rosen étaient en fait dynamiques et pas traversables. Un voyageur imprudent y pénétrant verrait la géométrie de l'espace-temps changer au point de finir par l'écraser en un point singulier de cet espace-temps.


On est donc quelque peu fasciné, même s'il faut garder la tête froide à ce stade, par un récent article déposé sur arXiv par Juan Maldacena et Alexey Milekhin. Maldacena s'est fait un nom au milieu des années 1990 au moment où la seconde révolution des supercordes était en cours. Ses travaux sur l'entropie des trous noirs dans le cadre de la théorie des cordes l'ont conduit à formuler la fameuse correspondance AdS/Cft étendant les travaux de Susskind et 't Hooft sur le principe holographique avec la théorie des trous noirs et ses implications pour le fameux paradoxe de l’information découvert par Stephen Hawking. Les trous de ver de Contact à Interstellar Maldacena et Milekhin annoncent que, selon eux, il existe une solution décrivant des trous de ver traversables par des êtres humains et ce, dans le cadre d'un modèle d'une nouvelle physique construite à partir du célèbre modèle cosmologique de Randall-Sundrum II. On en vient tout de suite à penser, et par un détour très étonnant en plus, que la science-fiction s'est rapprochée un petit peu plus de la réalité avec la question du voyage interstellaire avec un trou de ver.


Rappelons que c'est en 1988 que le prix Nobel de physique Kip Thorne avait stupéfié le monde de la physique en publiant avec ses collègues Michael S. Morris et Ulvi Yurtsever un article démontrant que, non seulement les équations d'Einstein possédaient une solution décrivant un trou de ver traversable, mais aussi qu'il permettait de voyager dans le temps. La découverte s'était faite alors que Thorne cherchait à rendre crédible, à la demande de Carl Sagan, l'existence d'un tel objet pour son célèbre roman de science-fiction, Contact. Thorne allait reprendre l'idée pour sa collaboration en tant que conseiller scientifique du film du réalisateur britannique Christopher Nolan, Interstellar. Futura avait longuement commenté la science derrière Interstellar et avait expliqué qu'elle faisait justement intervenir une solution décrivant un trou de ver dans une version de la théorie de Randall-Sundrum comme on peut le voir en détails avec le précédent article ci-dessous.


Rappelons brièvement que, dans les deux modèles proposés par Lisa Randall et Raman Sundrum, l'espace-temps est à 5 dimensions et que notre Univers observable est une sorte de feuillet d'espace-temps à 4 dimensions connecté à un second feuillet, lui aussi, à 4 dimensions et donc la distance à notre « membrane » est faible selon la cinquième dans le cas du modèle I et infinie dans le cas de la seconde, le modèle II. Ces deux modèles permettaient de penser que la fameuse masse de Planck ordinairement conçue comme phénoménalement élevée pouvait être suffisamment basse pour que l'on puisse créer des minitrous noirs au LHC. Il n'en a rien été.



Un voyage de dizaines de milliers d'années-lumière en une seconde Maldacena et Milekhin se sont donc penchés sur la question de l'existence de trou de ver traversable par une personne de taille humaine dans le cadre du modèle RSII. Ils annoncent donc aujourd'hui qu'une telle solution devrait bel et bien exister si l'on suppose, en plus de l'espace-temps, l'existence de certaines particules et l'équivalent du champ électromagnétique mais ne manifestant leur présence vis-à-vis des particules du Modèle standard que par leur gravité (un secteur « sombre » dans le jargon des physiciens). Il apparaît alors une énergie exotique qui serait négative dans la solution trou de ver, précisément ce qui le rend traversable en créant une pression s'opposant à la contraction de la gorge du trou de ver pour une personne ou un objet cherchant à le traverser, exactement comme dans le cas considéré par Thorne et ses collègues en 1988.


Source : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-equation-trou-ver-traversable-interstellar-aurait-ete-trouvee-55993/

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