L'Univers observable contient des galaxies « mortes » car ne contenant plus de gaz pouvant assurer le renouvellement de la formation de jeunes étoiles. Alma a débusqué une fusion de galaxies en cours il y a 9 milliards d'années montrant l'agonie de ces astres.
Il y a 60 ans, juste avant la découverte des quasars, le modèle cosmologique standard était celui d'un Univers sans commencement ni fin dans le temps et spatialement infini bien qu'en expansion éternelle. Pour un observateur, peu importait donc son lieu de naissance et sa date sur la grande horloge cosmique, le cosmos autour de lui, et aussi loin que ses télescopes pouvaient porter, aurait toujours eu le même aspect. Un temps cosmique existait également pourvu que la distribution de matière à suffisamment grande échelle soit homogène, tout comme le montrent aujourd'hui les observations des quasars et des grandes structures cosmiques formant des filaments d'amas de galaxies. Pour maintenir une densité constante et uniforme, des processus de création de matière étaient postulés, pas si éloignés finalement de ce qui sera proposé pour faire naître les particules de matière via la théorie de l'inflation.
Mais ce modèle cosmologique, déjà en difficulté avec l'observation des quasars uniquement à plusieurs milliards d'années-lumière et donc dans un lointain passé, ce qui n'était pas en accord avec un cosmos identique et partout et tout le temps, volera en éclat avec la découverte du rayonnement fossile en 1965. Des pionniers, comme le prix Nobel James Peebles, en prendront acte tout de suite et commenceront à construire des théories concernant la naissance des galaxies et la formation des grandes structures les rassemblant. Les observations suivront ou devanceront ces théories grâce à des télescopes comme Hubble ou ceux du W. M. Keck Observatory.
Une galaxie éjectant 10.000 fois la masse du Soleil sous forme de gaz chaque année Des myriades de galaxies vont ainsi être scrutées à toutes les longueurs d'onde par les yeux de la noosphère qui va prendre conscience qu'elles évoluent irréversiblement comme les étoiles, et qu'à plusieurs reprises certaines sont mortes en perdant tellement de gaz que la formation stellaire y est devenue quasi impossible.
On sait pourtant qu'à l'occasion de collisions, des flambées d'étoiles se produisent dans les galaxies qui contiennent encore du gaz. Toutefois, ces grandes collisions sont moins importantes qu'on ne le pensait il y a encore 15 ans et un autre paradigme explique mieux la croissance des galaxies et l'apparition fiévreuse de nouvelles étoiles, celui des courants froids, comme l'a expliqué à Futura le cosmologiste et astrophysicien Romain Teyssier. Mais, aujourd'hui, des observations menées avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), le réseau de radiotélescopes de l'Observatoire européen austral (ESO), révèlent une galaxie perturbée par une collision géante qui se termine et qui est à l'agonie.
Distante d'environ 9 milliards d'années de la Voie lactée, la lumière trahissant l'occurrence de cette catastrophe cosmique nous montre la galaxie ID2299 telle qu'elle était alors que l'Univers observable n'avait que 4,5 milliards d'années. Comme l'explique un article publié dans Nature Astronomy, ID2299 perdait alors l'équivalent de 10.000 fois la masse du Soleil sous forme de gaz chaque année. Sur une période d'un million d'années, c'est donc la matière nécessaire à la formation de 10 milliards de Soleil qui pourrait ainsi être éjectée dans l'espace intergalactique. Rappelons que notre propre Galaxie ne contient que quelques centaines de milliards d'étoiles. On mesure donc combien quelques dizaines de millions d'années de ce régime seraient plus que suffisantes pour épuiser un réservoir de gaz pouvant faire naître une galaxie par effondrement gravitationnel.
ID2299, un laboratoire pour percer les secrets de l'agonie des galaxies Cette constatation prend du relief lorsque l'on sait que les galaxies elliptiques sont très majoritairement dépourvues de gaz, de sorte qu'on les considère comme mortes puisque la formation stellaire ne s'y produit plus. Minoritaires dans le cosmos observable, on pense qu'elles sont générées par des collisions suivies de fusions entre des grandes galaxies spirales. On a des raisons de penser que l'éjection du gaz lors des collisions est au moins en partie due à une alimentation copieuse des trous noirs supermassifs dans ces galaxies. Le rayonnement produit par l'accrétion de matière constituerait alors un souffle puissant, comme dans le cas du vent solaire pour les comètes, éjectant le gaz intragalactique. Mais, tout ceci reste à étudier et à confirmer en détail car le souffle des explosions en supernovae de jeunes étoiles massives est aussi à prendre en considération.
On comprend donc l'intérêt des observations concernant ID2299 qui pourrait donc servir d'un excellent laboratoire pour comprendre la mort des galaxies car, comme l'explique dans un communiqué de l'ESO Annagrazia Puglisi, chercheuse de l'université de Durham, au Royaume-Uni et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de Saclay (CEA-Saclay), en France, auteure principale de l'article de Nature : « C'est la première fois que nous observons une galaxie massive à formation d'étoiles typique dans l'Univers lointain sur le point de « mourir » à cause d'une éjection massive de gaz froid...
J'ai été ravie de découvrir une galaxie aussi exceptionnelle ! J'étais impatiente d'en savoir plus sur cet objet étrange car j'étais convaincue qu'il y avait là d'importants enseignements à tirer sur l'évolution des galaxies lointaines ».
Source : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/cosmologie-agonie-galaxie-collision-revelee-alma-85089/
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