Tout indique qu'il y a des geysers et des cryovolcans sur la lune glacée de Jupiter, Europe, qui fascine les exobiologistes. On comprend mieux comment ces cryovolcans pourraient se produire, ce qui aidera à concevoir la mission Europa Clipper qui partira en quête de biosignatures dans les panaches de ces cryovolcans.
On ne peut s'empêcher de penser à 2010 : Odyssée 2, l'un des romans mythiques d'Arthur Clarke, lorsque sortent des articles portant sur l'étude d'Europe, la lune glacée de Jupiter. L'inventeur du concept de satellite de télécommunications géostationnaire, grand amateur de plongée sous-marine (il a même consacré un livre à ses aventures sur la Grande Barrière de Corail, que tout le monde peut maintenant visiter de chez soi grâce au Catlin Seaview Survey) y illustrait en effet l'idée désormais bien admise, comme le montre la vidéo de la Nasa ci-dessus, et source de nombreux travaux, que sous la banquise globale d'Europe, son océan d'eau liquide pourrait bien abriter des formes de vie, tirant leur énergie de sources hydrothermales. Les héros du roman de Clarke devaient d'ailleurs faire face à l'arrivée sur la surface d'Europe de l'une de ces formes de vie. Aujourd'hui, l'océan d'Europe fait toujours rêver les exobiologistes inspirés par Arthur Clarke et Carl Sagan. On espère pouvoir y trouver des clés qui nous permettraient de mieux comprendre comment l'univers est passé du Big Bang au vivant. L'idéal serait bien sûr de faire pénétrer un engin d'exploration dans l'océan d'Europe, mais se pose alors le problème de forer un passage à travers sa banquise, dont l'épaisseur est inconnue. Cependant, comme l'a déjà fait remarquer Freeman Dyson voilà des années, il est fort probable que de temps à autre, de l'eau liquide en provenance de cet océan et contenant peut-être quelques-unes des espèces vivantes qu'il hébergerait, arrive en surface. Il suffirait donc de se rendre dans les zones où ce phénomène se produirait pour espérer révolutionner l'exobiologie. Ou, plus simplement, car la surface d'Europe est bombardée de radiations délétères interdisant de longs séjours pour les sondes ou des astronautes, il suffirait de chercher des fragments de cette surface pouvant contenir des biosignatures (voire des « fossiles » de formes de vie) et qui auraient été éjectés en orbite à proximité d'Europe par des impacts de comètes ou d'astéroïdes, comme le proposait le défunt Dyson.
En fait, il y aurait encore plus simple bien que ce soit moins instructif que l'étude directe des glaces d'Europe ou l'exploration de son océan à l'aide d'un petit sous-marin. Une mission comme celle projetée sous le nom d'Europa Clipper n'a en effet qu'à traverser les panaches des geysers et des cryovolcans de cette lune avec les instruments appropriés, et on pourra alors sans doute en tirer des conclusions qui pourraient être révolutionnaires. Europa Clipper sera justement équipé d'un spectromètre de masse, le MAss SPectrometer for Planetary EXploration/Europa (Maspex).
Europe, ses geysers et ses cryovolcans Or, tout indique qu'il y a bel et bien des geysers et du cryovolcanisme, notamment depuis les mois de novembre et de décembre 2012 car, à ce moment-là, des observations dans le domaine des ultraviolets, faites grâce à Hubble, ont mis en évidence des panaches d'eau. Il n'en reste pas moins que pour préparer au mieux cette mission, il faut pouvoir repérer vraiment à la surface d'Europe les régions où de tels panaches sont présents ainsi que celles où de l'eau liquide arrive en surface. Il n'en reste pas moins aussi qu'il faut être prudent au sujet de ces émissions. L'eau provient-elle bien de l'océan global d'Europe ou simplement de poches dans sa banquise ne reflétant pas vraiment la composition actuelle de cet océan ?
C'est justement cette question qui est abordée dans un article publié dans Geophysical Research Letters par une équipe de planétologues de l'université de Stanford, l'université de l'Arizona, l'université du Texas et du mythique JPL (Jet Propulsion Laboratory) de la Nasa.
Dans cette publication, les chercheurs se basent sur des images collectées par la mission Galileo qui est restée en orbite autour de Jupiter de 1995 à 2003 et en particulier sur celle montrant l'un des plus importants cratères d'impact sur Europe : Manannán. Son diamètre est d'environ 30 km et il a été nommé en référence au dieu-guerrier Manannan Mac Lir (littéralement le Mannois fils de Lir, Lir étant l'Océan), souverain de l'Autre Monde dans la mythologie celtique irlandaise. Europe possède des cratères plus grands comme Pwyll, encore du nom d'un personnage de la mythologie celtique, et dont le diamètre est de 45 kilomètres. Le plus large connu à ce jour, c'est Taliesin avec 50 km de diamètre d'après les images de Galileo. L'idée était d'utiliser les données fournies par l'étude du cratère Manannán pour contraindre les modèles de l'intérieur de la banquise d'Europe dans l'espoir de départager ceux expliquant les geysers et les cryovolcans découverts. En effet, si les panaches d'eau proviennent avant tout de poches liquides isolées dans la banquise moins accueillantes pour la vie car plus difficile à maintenir en énergie chimique pour y alimenter des organismes, les chances de mettre en évidence l'habitabilité d'Europe depuis l'espace sont diminuées.
C'est ce à quoi Gregor Steinbrügge, chercheur postdoctoral à la Stanford's School of Earth et auteur principal de l'article publié dans GRL fait référence lorsqu'il déclare dans un communiqué que : « Comprendre d'où proviennent ces panaches d'eau est très important pour savoir si les futurs explorateurs d'Europe pourraient avoir une chance de détecter réellement la vie depuis l'espace sans sonder l'océan d'Europe ».
Source :https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/europe-forment-cryovolcans-europe-lune-glacee-jupiter-84209/
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